
Les oiseaux ne sont pas de simples victimes des grandes épizooties de grippe aviaire. Ils en sont le réservoir naturel et surtout le principal moteur évolutif. Un article le rappelle : tant que les virus influenza A circuleront chez les oiseaux, le risque de nouvelles émergences restera structurel.
Chez les espèces sauvages, notamment les canards et les oies, l’infection est le plus souvent silencieuse. Les virus circulent sans provoquer de maladie apparente, portés par des migrations à grande échelle. Cette circulation discrète favorise une diversité génétique considérable. Le génome segmenté de l’influenza A permet non seulement des mutations fréquentes, mais aussi des échanges de segments entre les virus (les réassortiments) à l’origine de nouvelles lignées.
Lorsque ces virus passent des oiseaux sauvages aux volailles domestiques, l’équilibre change brutalement. Dans les élevages, certaines souches, en particulier H5 et H7, peuvent évoluer vers des formes hautement pathogènes, responsables de mortalités massives et d’abattages à grande échelle. Depuis le début des années 2020, cette dynamique ne se limite plus à des épisodes saisonniers : la grippe aviaire s’est installée dans la durée, avec une circulation quasi continue en Europe et ailleurs.
Le risque pour l’être humain reste faible, mais il ne peut être écarté. La dangerosité d’un virus pour les oiseaux ne préjuge pas de son potentiel zoonotique. En revanche, plus un virus circule et se multiplie, plus les occasions d’adaptation sont possibles. L’histoire des pandémies grippales rappelle que ces franchissements de barrière d’espèce sont rares, mais jamais fortuits.
Face à cette réalité, les auteurs sont sans illusion : l’éradication est hors de portée. Le réservoir aviaire sauvage ne peut être supprimé. La réponse repose donc sur un triptyque désormais bien établi : surveillance, biosécurité et, de plus en plus, vaccination des volailles. Cette dernière progresse, mais soulève des questions techniques, économiques et commerciales, notamment sur la traçabilité des animaux vaccinés.
La grippe aviaire n’est pas une anomalie du système. Elle est le produit d’une écologie virale ancienne, stable et profondément enracinée. La véritable question n’est pas de savoir si de nouveaux virus émergeront, mais si les systèmes de surveillance sauront les détecter assez tôt pour éviter qu’ils ne changent d’échelle.

