
Le Dog Aging Project, une étude biologique à long terme du vieillissement chez le chien, livre la première cartographie à grande échelle des comorbidités canines liées à l’âge. À partir des données issues de 26 614 chiens présentant au moins une affection parmi les 160 répertoriées, les auteurs établissent des liens entre les maladies et une projection des facteurs de risque selon l’âge, le poids, le sexe et le statut reproducteur, ainsi que l’origine raciale (chien de race versus croisé).
Le résultat est un véritable système d’alerte précoce pour les vétérinaires, qui peuvent mettre en place des traitements et des mesures préventives plus efficaces lors de comorbidité (diabète et cataracte ou cécité, hypertension artérielle et maladie rénale chronique, etc.) ainsi qu’un suivi des facteurs de risque à surveiller (le diabète précédant la cataracte, la dysplasie du coude ou de la hanche avant l’arthrose, la kératoconjonctivite sèche préalable à l’ulcère cornéen, etc.).
Table des matières
Des données collectives à la probabilité individuelle : comment le modèle fonctionne
La base de données du Dog Aging Project est issue du questionnaire Health and Life Experiences Survey (HLES), qui recense la prévalence des maladies tout au long de la vie des chiens ainsi que leurs dates d’apparition rapportées par les propriétaires. Les 160 affections retenues sont celles observées chez au moins 60 chiens. Pour chaque maladie, un modèle logistique multivarié estime la probabilité pour chaque animal d’être atteint selon son âge, son poids, son sexe, son statut reproducteur et son type racial. Ces probabilités individualisées alimentent ensuite un test de comorbidité fondé sur la loi binomiale de Poisson. Concernant l’approche temporelle, chez les chiens atteints de comorbidités, l’ordre d’apparition des deux maladies est comparé sur une période de douze mois.
Associations, liens de causalité et effet de l’âge
L’étude met en évidence des cooccurrences déjà décrites en ophtalmologie-endocrinologie ou en néphrologie-cardiologie, mais aussi des associations moins connues comme le lien entre protéinurie et anémie, offrant des pistes pour la prévention de l’inflammation lors de maladie chronique et la détection des anomalies rénales qui restent sous-diagnostiquées. Selon le stade de vie des chiens, les comorbidités augmentent avec l’âge et culminent chez les seniors. C’est d’ailleurs dans ce groupe que l’association entre l’hypertension artérielle et la maladie rénale chronique est la plus fréquente, ce qui confirme l’expérience clinique en gériatrie canine.
Du diagnostic à la surveillance proactive
Le diagnostic initial devient un point clé de la démarche préventive. Chez un chien diabétique, la dynamique diabète-cataracte plaide pour une surveillance ophtalmologique rapprochée et programmée, y compris en phase d’équilibrage glycémique, afin de détecter précocement les opacités du cristallin et les complications inflammatoires. Dans l’évolution dysplasie-arthrose, l’intérêt d’une prise en charge précoce combine le contrôle du poids, un plan d’activité contrôlée et la mise en place d’un traitement antalgique raisonné pour ralentir la cascade dégénérative. Face à la séquence kératoconjonctivite sèche-ulcère, la rigueur du suivi des tests lacrymaux et de la protection cornéenne prend un relief particulier, notamment chez les chiens brachycéphales. Chez les seniors, le couple hypertension artérielle-maladie rénale chronique confirme l’utilité d’un dépistage systématique via un contrôle de la tension et une analyse d’urine à intervalles définis, y compris chez des animaux apparemment asymptomatiques.
Ces orientations ne remplacent pas le jugement clinique, elles hiérarchisent les priorités de dépistage et de sensibilisation des propriétaires à l’échelle individuelle, en cohérence avec la topologie des associations de maladies observées.
Des repères pour la pratique et le suivi des soins
Ces combinaisons de maladies transforment un diagnostic clinique isolé en plan d’action à long terme, incluant notamment un calendrier des bilans de santé à réaliser, afin de mieux structurer le parcours de soins en gériatrie canine. À l’échelle de la population canine générale, cette vaste enquête éclaire les avancées majeures dans la compréhension des facteurs de risque génétiques et environnementaux de morbidité et de mortalité chez le chien, par classes d’âge et morphotypes, ouvrant la voie à des indicateurs de santé qui vont du cancer aux fonctions cognitives, et met en lumière les nouvelles perspectives de recherche offertes par les études de cohortes à grande échelle chez le chien. La démarche est reproductible, documentée, et les tableaux complets des associations de maladies sont mis à la disposition des vétérinaires pour une application pratique en clientèle.

