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L’agriculture bio garantit-elle un meilleur bien-être des animaux d’élevage ?

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L’agriculture bio garantit-elle un meilleur bien-être des animaux d’élevage ?

Le 30 juin 2021, la Commission européenne a répondu favorablement aux 1,4 million de citoyens ayant signé l’initiative citoyenne européenne (ICE) « End the Cage Age », en annonçant qu’elle proposerait d’ici à 2023 une proposition législative visant à interdire l’élevage des animaux en cages. Cette nouvelle constitue une avancée considérable pour ces animaux dont la liberté de mouvement et les contacts sociaux sont limités.

À l’échelle de l’Union européenne (UE), où les États doivent tenir compte du bien-être des animaux en tant qu’êtres sensibles, plusieurs textes établissent déjà des normes de protection des animaux d’élevage.

On parle de « bien-être » lorsqu’un animal est en bonne santé (physique et mentale) et a la possibilité d’exprimer des comportements naturels qui correspondent à ses besoins et à ses attentes.

Mais ces textes sont encore insuffisants et ne garantissent pas le bien-être des animaux. Par exemple, les éleveurs ne sont pas contraints de fournir un accès à l’extérieur à leurs animaux (ce qui ne les empêche pas toutefois de le faire s’ils le souhaitent).

Pour l’agriculture biologique, des règles spécifiques viennent s’ajouter aux règles minimales de protection – là encore, les éleveurs bio peuvent aller au-delà et adopter proactivement des pratiques vertueuses pour leurs animaux. « Contribuer à des normes élevées en matière de bien-être animal » constitue un des objectifs de l’agriculture bio, la garantie d’un meilleur bien-être des animaux étant d’ailleurs l’une des motivations pour la consommation de produits biologiques.

Pour autant, la réglementation applicable à la production bio permet-elle de garantir un niveau optimal de bien-être animal ?

Sur de nombreux aspects, celle-ci promeut, même si ce n’est pas optimal, un meilleur bien-être des animaux en comparaison avec le droit applicable aux élevages conventionnels.

Un environnement plus naturel

L’accès à l’extérieur représente sans doute l’une des avancées les plus significatives du bio en faveur d’un meilleur bien-être animal. Dans de nombreux élevages, les animaux n’ont en effet plus accès à l’extérieur et passent leur vie dans des bâtiments, les empêchant d’exprimer certains comportements naturels, comme celui de pâturer pour les vaches laitières. Or ces dernières expriment une très nette préférence ainsi qu’une très forte motivation pour accéder au pâturage.

Contrairement aux élevages conventionnels, à qui rien n’est imposé à ce sujet, les élevages bio doivent prévoir un accès à l’extérieur pour leurs animaux dès que les conditions le permettent. Cet espace extérieur doit en outre répondre à certaines conditions qui varient selon les espèces – l’accès à un plan d’eau pour les oiseaux aquatiques, l’accès à un abri ou à un endroit ombragé pour les animaux terrestres.

Isolement, attache et élevage en cage interdits

Alors que l’élevage en cage reste autorisé dans l’élevage conventionnel, il est interdit dans les fermes bio européennes. Il s’agit d’une avancée notable pour de nombreux animaux, notamment les volailles. En France, bien que le nombre de poules pondeuses en cages ait fortement diminué ces dernières années, un tiers d’entre elles sont toujours élevées dans ces conditions.

Les systèmes dits « à l’attache » sont courants dans certains États de l’Union, notamment en Suède et en Allemagne. Cette pratique, qui restreint considérablement la liberté de mouvement des animaux, est interdite en bio.

Des exceptions sont toutefois prévues, mais elles demeurent limitées : dans certains élevages (notamment dans les zones montagneuses), l’attache des animaux reste possible si les animaux ont un accès régulier à l’extérieur.

Une autre exception concerne la liberté de mouvement des truies. Dans les élevages conventionnels, les truies sont généralement maintenues dans des cages dans lesquelles elles peuvent seulement se lever et se coucher pendant de longues périodes (entre huit et dix semaines par cycle de reproduction).

Dans les élevages conventionnels, les truies sont en général maintenues dans des cages pendant les quatre premières semaines de gestation, comme sur cette photo, la semaine qui précède la mise bas ainsi que la période d’allaitement.
We Animals Media

En bio, la contention des truies n’est possible que sur une courte période (huit jours autour de la mise bas dans les élevages français). C’est une amélioration considérable, même s’il est regrettable que l’utilisation de ces cages ne soit pas simplement interdite.

Isoler les animaux est une autre pratique par principe interdite en bio, mais qui peut être autorisée dans certains cas pour une durée limitée.

L’isolement social peut sérieusement compromettre le développement de jeunes animaux comme les veaux, qui sont généralement logés individuellement après la naissance. En bio, ils ne pourront rester qu’une semaine seuls alors que cet isolement peut durer jusqu’à huit semaines dans les élevages conventionnels. La différence est de taille puisque les contacts sociaux sont importants pour ces animaux.

Dans une récente étude, des chercheurs ont montré que des veaux logés individuellement étaient motivés pour rejoindre leurs congénères (leur motivation a été mesurée en comparant le poids maximal et la fréquence à laquelle les veaux poussaient une porte lestée pour accéder soit à une case avec un autre veau soit à une case vide).

Vers l’élimination des mutilations physiques ?

La réglementation bio entend également limiter les mutilations physiques.

En dehors de la castration, autorisée « pour assurer la qualité des produits et maintenir les pratiques traditionnelles », les mutilations comme la coupe de queue des ovins, l’épointage du bec des volailles ou encore l’écornage des veaux, ne sont autorisées qu’« à titre exceptionnel », « au cas par cas et uniquement lorsque ces pratiques améliorent la santé, le bien-être ou l’hygiène des animaux ou lorsque la sécurité des travailleurs est compromise ».

Pourtant, certaines de ces mutilations demeurent fréquentes dans les faits. C’est le cas notamment de l’écornage, les vaches ayant conservé leurs cornes étant considérées comme plus dangereuses pour les éleveurs.

Afin de réduire au minimum la souffrance des animaux lors de ces mutilations, il est obligatoire en bio d’anesthésier l’animal et/ou de lui donner des antidouleurs, ce qui va dans le bon sens puisque de telles mutilations sont encore trop souvent réalisées sans aucune prise en charge de la douleur.

Le législateur aurait pu aller plus loin en imposant l’administration d’un anesthésique et d’un antidouleur, comme le recommandent des études notamment pour l’écornage. Surtout, il aurait pu encadrer davantage le recours à ces pratiques voire les interdire.

Des contrôles plus fréquents

Les règles spécifiques prévues pour l’élevage bio contiennent des avancées significatives pour améliorer la vie des animaux d’élevage. Leur respect par les éleveurs s’avère également régulièrement contrôlé, ce qui n’est pas le cas des élevages conventionnels, rarement inspectés.

La France, comme la plupart des États de l’Union européenne, a confié le contrôle des fermes bio à des organismes privés indépendants. Les élevages bio français doivent en effet être inspectés au moins une fois par an par un des organismes certificateurs agréés par l’Institut national de l’origine et de la qualité (établissement public rattaché au ministère de l’Agriculture) et le Comité français d’accréditation. Cette inspection annuelle peut être complétée par des contrôles inopinés.

Fin de vie : un manque d’ambition !

Alors que les règles portant sur les conditions d’élevage des animaux sont nombreuses en bio, celles sur leur fin de vie – c’est-à-dire lorsqu’ils quittent la ferme pour être transportés puis abattus – sont bien plus limitées. Face au transport et à l’abattage, les animaux sont – à quelques exceptions près – confrontées aux mêmes difficultés, qu’ils viennent d’élevages bio ou non.

Une différence – notable – concerne l’étourdissement. Pour qu’un produit d’origine animale puisse porter le logo bio, il faut que l’animal ait été étourdi avant d’être abattu. C’est la Cour de justice de l’UE, sous l’impulsion de l’association OABA, qui a apporté cette précision début 2019.

Une telle évolution va dans le sens d’une meilleure protection de l’animal au moment de l’abattage dans la mesure où l’étourdissement vise à provoquer une perte de conscience et de sensibilité avant la mise à mort.

Il est regrettable que rien (ou presque) n’ait été prévu pour le transport. La réglementation encadrant le transport des animaux – qui s’applique donc aussi aux animaux issus d’élevages bio – est insuffisante et fait l’objet de vives critiques, y compris de la part des institutions.

Si, en principe, les animaux ne peuvent être transportés plus de huit heures, cette durée peut être prolongée. En réalité, seuls des temps de transport avant une pause ou un déchargement sont prévus, mais les textes ne fixent aucune durée maximale de transport pour l’ensemble du voyage.

Ainsi, un porc peut par exemple passer vingt-quatre heures dans un camion avant d’en sortir, non pas définitivement mais pour une période de « repos » de vingt-quatre heures, avant de repartir (et ainsi de suite).

Parce que le transport – a fortiori de longue durée – met rudement à l’épreuve le bien-être des animaux, on ne peut que déplorer l’insuffisance des règles en la matière, notamment de la réglementation bio qui affiche pourtant sa volonté de limiter au maximum la souffrance des animaux.

On le voit, si la réglementation applicable aux élevages bio n’est pas optimale, elle garantit néanmoins un « mieux-être animal » qui pourrait servir d’exemple pour améliorer la condition de tous les animaux d’élevage.The Conversation

Eugénie Duval, Docteure en droit public, Visiting Scientist (Animal Welfare Program, University of British Columbia), membre associée au Centre de recherche sur les droits fondamentaux et les évolutions du droit, Université de Caen Normandie et Benjamin Lecorps, Docteur en biologie animale appliquée, post-doctorant, University of British Columbia

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

 

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