lundi, septembre 22, 2025
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Quand le chien remplace l’enfant : les racines du “dog parenting” en Occident

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Quand le chien remplace l’enfant : les racines du “dog parenting” en Occident

Une revue publiée dans European Psychologist explore un phénomène croissant : la tendance, dans les sociétés occidentales, à considérer les chiens comme des membres de la famille à part entière, parfois même comme de véritables substituts d’enfants. Cette nouvelle forme de parentalité interespèces, surnommée “dog parenting”, soulève à la fois des questions sociales, psychologiques et éthiques.

 

Des chiens aux allures d’enfants

L’un des points centraux de l’étude repose sur le concept de pédomorphisme, c’est-à-dire la préservation, chez l’adulte, de traits morphologiques juvéniles (grands yeux globuleux, museau court, tête tonde). Ces caractéristiques, développées au fil de la domestication canine, sont connues pour déclencher chez l’humain des réponses instinctives de soins et de protection. En d’autres termes, les chiens “ressemblent” à des nourrissons sur le plan émotionnel et visuel, ce qui favorise l’établissement d’un lien affectif similaire à celui entre parents et enfants.

Le comportement du chien accentue encore cette impression : dépendance vis-à-vis des soins prodigués par les humains, recherche constante d’attention, vocalisations plaintives ou démonstratives… Toutes ces manifestations participent à la construction d’un rôle infantile que le chien incarne inconsciemment, mais que l’humain renforce activement.

 

Famille sans enfant : le chien comme lien affectif stable

Dans de nombreuses sociétés occidentales marquées par le vieillissement démographique, la chute des taux de natalité, la précarité économique ou les formes alternatives de liens conjugaux, le chien a pris une place affective et symbolique particulière. L’étude souligne que pour de plus en plus d’individus, si le chien ne remplace pas l’enfant biologique, il remplit un besoin relationnel et affectif tout en étant perçu comme moins contraignant. L’animal offre ce que les chercheurs appellent “l’éthique du care”, c’est-à-dire la possibilité de prendre soin et de se sentir responsable d’un être vulnérable, sans les obligations économiques, juridiques ou professionnelles qu’implique un enfant humain. De nombreux propriétaires de chiens témoignent d’un lien émotionnel aussi intense, voire plus durable, que certaines relations humaines, dans un contexte où la solitude sociale devient un marqueur épidémique.

 

Une parentalité évolutive et contextuelle

L’étude montre également que ce rôle “enfantin” du chien n’est pas toujours fixe. Dans certains couples sans enfants, le chien occupe une fonction de “pré-enfant”, véritable répétition émotionnelle avant un projet parental. Dans d’autres configurations, il devient un “enfant unique”, ou encore un “compagnon de fratrie” après la naissance d’enfants humains. L’attribution d’un rôle familial au chien est donc souple, contextuelle, souvent affectivement utile, mais aussi façonnée par de nouvelles normes sociales. À travers les réseaux sociaux ou les produits de niche (poussettes, vêtements, anniversaires canins), la figure du “pet child” se consolide comme un modèle culturel alternatif de la famille.

 

Entre humanisation affective et limites éthiques

Les auteurs n’idéalisent pas ce phénomène, en soulignant les dérives possibles d’un anthropomorphisme trop poussé : surprotection anxieuse du chien, mauvaise compréhension de ses besoins réels (besoin d’espace, d’autonomie, de contacts avec des congénères) et surtout sélection génétique en élevage favorisant certaines morphologies hypertypées (par exemple chiens brachycéphales victimes de troubles respiratoires).

Le parallèle affectif avec l’enfant peut conduire certains propriétaires à projeter leur propre insécurité sur leur animal, générant un cercle d’hypervigilance ou de dépendance affective mutuelle. Les auteurs insistent sur la nécessité d’un équilibre : il convient ainsi d’aimer son chien comme un proche mais sans lui retirer son identité d’animal.

 

Une tendance symptomatique des évolutions sociétales

Ce glissement affectif vers l’enfant-animal n’est pas un simple caprice contemporain. Il s’inscrit dans une série de mutations structurelles (augmentation de la solitude, recompositions familiales, défiance envers les modèles parentaux traditionnels, désenchantement face à la médecine de la reproduction, etc.). La montée du “dog parenting” apparaît ainsi comme une réponse sociale pragmatique à des besoins émotionnels modernes non comblés. Elle transforme la définition de la famille, des soins, voire de la parentalité bien au-delà du registre vétérinaire ou domestique.

 

Une invitation à repenser la famille… interespèces ?

L’étude, en croisant psychologie cognitive, éthologie, sociologie de la famille et philosophie morale, ouvre une réflexion transversale sur ce que signifie “prendre soin” dans les sociétés postindustrielles. Les chiens, devenus membres de la famille à part entière, bousculent les frontières entre les espèces, les statuts relationnels et les types d’attachement.

À l’heure où les relations interhumaines se complexifient, le lien humain-chien émerge comme un rapport affectif stable, accessible, gratifiant, mais aussi exigeant en matière de responsabilité. Loin d’être une substitution, le “dog parenting” devient un révélateur de nos nouveaux attachements et de notre besoin universel de contacts. Un état de fait pas forcément encourageant !

 

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