Six députés, emmenés par Frédéric Lefebvre, ont cosigné et déposé une proposition de loi* pour le moins étonnante, le 1er juillet. Afin de désengorger les refuges saturés, en l’occurrence ceux de la Société protectrice des animaux (SPA), ils proposent d’obliger les animaleries à accueillir des chiens et des chats abandonnés et de les proposer à la vente, en parallèle de leurs propres animaux.
Selon les députés signataires, imposer un quota minimal de chiens et de chats issus de refuges en animalerie, en vue de leur vente, permettrait de résoudre nombre de problèmes : cela remédierait aux 60 000 abandons en France chaque année, au manque de fourrières communales, aux achats de particuliers non réfléchis via Internet ou en animalerie, à la surpopulation des refuges, aux euthanasies par manque de place et de moyens, aux trafics de chiots et de chatons, aux importations illégales, etc.
L’origine des arguments avancés pour motiver cette proposition d’insertion d’un nouvel article au Code rural semble floue, car en décalage avec les données du secteur et surtout avec les conclusions des débats menés dans le cadre des États généraux “Animal et société” en 2008. De plus, les partenariats déjà existants entre associations de protection animale et animaleries ne sont pas mentionnés.
En outre, à l’inverse des refuges qui proposent des chiens et des chats ayant reçu « des soins réguliers, qui sont à jour de leurs vaccins, vermifugés et stérilisés, déjà propres et éduqués », les animaleries sont présentées comme des « supermarchés qui vous octroient même des crédits pour vous vendre un chien en “promotion” », et qui vendent trop cher des animaux pour la plupart issus de trafics ou importés illégalement en France…
Si tous ces arguments qui plaident en faveur de l’adoption partent sans doute d’une bonne intention, ils méconnaissent le fait qu’en France, 3 chiots sur 4 (75 %) sont achetés à des éleveurs “amateurs”, selon l’étude du Pr Yves Legeay sur la commercialisation des animaux de compagnie. Sur les 25 % restants, la part des ventes en animaleries, jardineries et autres commerces spécialisés se situerait entre 8 et 13 % seulement. Notamment, de nombreuses races de chiens ne sont vendues que dans des élevages canins compte tenu de leurs spécificités (grand gabarit, races plus rares) ou de la réglementation (chiens catégorisés). Enfin, le texte ne prend pas en compte les charges et les obligations qui encadrent l’activité des vendeurs professionnels d’animaux (vices rédhibitoires et cachés, normes d’hébergement des animaux, etc.).
Dans tous les cas, la proposition de loi n’apparaît pas comme une solution adaptée, susceptible de lutter contre les fraudes éventuelles de certains acteurs, de mettre un terme aux annonces illégales sur Internet, de réduire les abandons de propriétaires d’animaux indélicats, ou encore d’inciter les communes à respecter leurs obligations en termes de fourrières. Tout juste permet-elle une nouvelle fois d’attirer l’attention sur l’absence d’exploitation des bases de données dans la filière, notamment pour traquer ces propriétaires qui abandonnent sciemment les animaux qu’ils ont acquis. Pourtant, les textes existent, mais la volonté politique, elle, fait défaut…
Déposé en première lecture à l’Assemblée générale le 1er juillet, le texte a été renvoyé à la commission des affaires économiques.
* Proposition de loi visant à instaurer l’accueil obligatoire d’animaux domestiques abandonnés en animalerie en vue de leur vente, déposée le 1er juillet 2016 par Frédéric Lefebvre et coll. : après l’article L.214-6-1 du Code rural et de la pêche maritime, il est inséré un article L.214-6-1-1 ainsi rédigé : « Les animaleries ont l’obligation de mettre à disposition un ou plusieurs boxes pour accueillir des chiens ou des chats issus de refuges et les proposer à la vente. »