Le décret du 17 mars portant sur l’acquisition des animaux pour les procédures d’expérimentation scientifique fait polémique. Mais d’après le ministère et certaines fondations, c’est une avancée pour la défense des animaux. Il restreint d’avantage la possibilité d’utiliser des animaux provenant d’élevages non agréés pour l’expérimentation animale.
Le 17 Mars dernier, un nouveau décret voyait le jour, modifiant les conditions d’acquisition des animaux pour les procédures d’expérimentation scientifique. Pris d’assaut par certaines associations de défense des animaux, la lecture du texte créé des contradictions. Qu’en est-il réellement ?
D’après le code rural et de la pêche maritime, les animaux utilisés dans les procédures expérimentales «doivent avoir été élevés à cette fin et provenir d’éleveurs ou de fournisseurs agréés». Et le décret du 17 mars 2020 ne change en rien cette règle.
Il y modifie cependant les conditions pour obtenir une dérogation auprès des ministères concernés, inscrite à l’article R214-90 du code rural.
Avant, les dérogations pouvaient être « accordées par le ministre chargé de la Recherche, après avis des autres ministres concernés, sur la base d’éléments scientifiques dûment justifiés lorsque la production des éleveurs agréés est insuffisante ou ne convient pas aux besoins spécifiques du projet ».
Désormais, pour obtenir dérogation, un laboratoire devra uniquement donner des justifications scientifiques pour se procurer des animaux ailleurs que chez des fournisseurs agréés. Ont donc été supprimées les conditions liées à la production des éleveurs agréés.
Mais cela ne veut pas pour autant dire que ce décret ouvre l’acquisition d’animaux à des fins scientifiques à des animaleries et encore moins à des particuliers.
En effet, certaines associations ont considéré que le retrait de ces deux conditions facilite l’utilisation d’animaux ne provenant pas d’élevages spécifiques à l’expérimentation animale. Bon nombres se sont inquiétés de la vente d’animaux de compagnie à des laboratoires. Cependant, les instances en tirent des conclusions opposées.
La polémique réside dans l’interprétation du texte, la suppression des deux conditions préalables pouvant être lue comme un assouplissement. Cependant le ministère de la Recherche et de l’Enseignement supérieur affirme l’inverse : « Le décret du 17 mars vient encore limiter les cas possibles justifiant une demande de dérogation notamment liée à une production insuffisante chez les éleveurs agréés. »
Suppression et simplification du texte ne riment pas forcément avec assouplissement.
En effet, il faudrait en comprendre que précédemment les trois conditions pouvaient être invoquées alternativement, étant chacune suffisante, alors que le nouveau décret se restreint uniquement à une justification scientifique. Les trois conditions (justification scientifique, production insuffisante et besoin spécifique) n’étaient pas cumulatives mais alternatives. Désormais, la justification scientifique constitue la seule raison valable. Le fait de supprimer deux conditions représente donc une limitation des possibilités de dérogation.
Le ministère précise : « La rédaction initiale pouvait, à tort, laisser croire que l’insuffisance de la production par des éleveurs agréés ou les besoins spécifiques du projet pouvait constituer à eux seuls un argument recevable. Cette potentielle interprétation nous a été soulignée par la Commission européenne. »
Or la directive européenne 2010/63/UE autour de l’utilisation des animaux dans la recherche précise bien que les dérogations sont accordées uniquement «sur la base d’éléments scientifiques». L’optique du décret était donc de lever toute ambiguïté en simplifiant le texte qui pouvait prêter à confusion.
Une initiative reçue favorablement par la Fondation droit animal éthique et sciences (LFDA). Le décret « restreint la possibilité d’utiliser des animaux provenant d’élevages non agréés pour l’expérimentation animale […]. Désormais, la justification scientifique constitue la seule raison valable. Dans le cas où elle ne serait pas recevable, les raisons d’une production insuffisante ou d’un besoin spécifique ne peuvent pas être acceptées comme justification pour recourir à des animaux issus d’élevages non agréés pour la recherche. »
La fondation Brigitte Bardot ajoute : « Ce décret a permis notamment de doubler les représentants des organisations de protection des animaux et de la faune sauvage au sein de la CNEA (Commission Nationale d’Expérimentation Animale, qui devient « commission nationale pour la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques »). »
Si techniquement, le décret ne va pas changer les pratiques déjà en place, il évitera toutes confusion et tentative de contournement. La nouvelle rédaction ne vient pas modifier l’origine des animaux dans la recherche mais plutôt souligne l’importance donnée aux arguments scientifiques pouvant amener à déroger au cadre réglementaire.