lundi, septembre 15, 2025
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Variabilité climatique : un accélérateur sous-estimé du risque d’épidémies de maladies vectorielles

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Variabilité climatique : un accélérateur sous-estimé du risque d’épidémies de maladies vectorielles

Une étude publiée dans PNAS démontre que la variabilité climatique interne, ces fluctuations naturelles et chaotiques du climat indépendantes des émissions humaines et des différents modèles de risque, est un élément majeur d’incertitude dans le cadre de la transmission des maladies à vecteurs (dengue, chikungunya, West Nile, etc.). Ignorée par la plupart des travaux, cette variabilité peut faire surgir des conditions favorables à la transmission bien plus tôt que ce que laisse prévoir la seule tendance du réchauffement. Les auteurs appellent à intégrer cette variable au cœur des plans de surveillance sanitaire.

 

L’angle mort de la variabilité climatique interne

Les projections climato-épidémiologiques considèrent classiquement trois sources d’incertitude : les scénarios liés aux émissions, les différences structurelles entre les modèles climatiques et la variabilité interne. La plupart des analyses se concentrent sur les deux premières. Or, cette étude montre qu’à l’échelle de plusieurs décennies, la variabilité climatique interne apparaît déterminante pour la propagation des infections via les moustiques, notamment du genre Aedes, avec à la clé des opportunités de transmission plus précoces et plus fréquentes, y compris dans des zones aujourd’hui non endémiques.

 

Impacts sur la santé publique

En pratique, fonder la surveillance des maladies vectorielles sur la seule tendance d’un changement climatique moyen retarde les réponses à apporter (déclenchement des plans d’action, mise en œuvre des moyens, information du public et décisions de contrôle vectoriel). L’étude PNAS suggère de basculer vers des plans anticipatifs qui tiennent compte des plages d’incertitude élargies par la variabilité climatique interne. Autrement dit, il convient d’agir plus tôt et plus souvent dans les années de variabilité favorable aux vecteurs, même si la moyenne du risque climatique ne semble pas encore critique.

 

Implications opérationnelles selon l’approche “One Health”

La surveillance doit devenir adaptative, avec des systèmes sentinelles (cliniques, entomologiques, virologiques) configurés à partir de seuils probabilistes intégrant la variabilité interne du climat (par exemple des effets El Niño plus intenses ou des anomalies thermo-pluviométriques locales) plutôt que sur des calendriers fixes. La prise en compte de la saisonnalité doit être dynamique, avec une élimination des gîtes larvaires plus fréquente et des campagnes de lutte (adulticides, larvicides) ajustées selon les prévisions d’anomalies climatiques.

La communication autour du risque épidémique gagne à s’appuyer sur la diffusion de messages de sensibilisation reposant sur des indicateurs de variabilité (chaleur ou humidité extrêmes, fortes pluies) pour accélérer la mobilisation collective (élimination des gîtes, protection individuelle). Les plans de prévention doivent intégrer les scénarios d’un afflux massif de patients dans les hôpitaux, même dans un contexte jugé non endémique, afin d’éviter le manque de disponibilité des tests, la saturation des plateaux techniques et l’insuffisance de lits.

 

Adapter la prévention

Les agences de santé et les collectivités sont invitées à passer à une logique probabiliste et opportuniste, avec une surveillance et des actions qui suivent le rythme de la variabilité climatique. Cela implique d’inclure la variabilité climatique interne dans les cahiers des charges de modélisation du risque et de financement, d’adosser les plans de contingence à des déclencheurs climatiques tels que l’indice El Niño and the Southern oscillation (Enso), l’oscillation nord-Atlantique (ONA), les anomalies de précipitations et de températures, et d’évaluer les coûts-bénéfices d’interventions précoces, même si l’épisode n’a finalement pas lieu, selon le principe de précaution.

 

Au final, la variabilité climatique interne est un amplificateur sous-estimé du risque vectoriel : l’ignorer, c’est risquer de réagir trop tard. Des conditions propices à la transmission des maladies vectorielles peuvent survenir plus tôt que prévu initialement. La prévention doit devenir flexible, probabiliste, et reposer sur des indicateurs de variabilité, pas uniquement par des facteurs saisonniers ou locaux.

 

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