
Le virus H5N1 ne se limite plus aux oiseaux. Aux États-Unis, des travailleurs agricoles ont été infectés après un contact direct avec des vaches laitières contaminées. Une nouvelle étude met en lumière cette évolution préoccupante.
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Un virus aviaire qui s’adapte aux mammifères
Le virus de la grippe aviaire hautement pathogène H5N1, bien connu pour ses effets dévastateurs sur les élevages de volailles, a récemment franchi un cap inattendu. En 2024, plusieurs États américains ont signalé des foyers d’infection chez des vaches laitières. Cette transmission interespèce, inédite à cette échelle, a provoqué une série de cas humains, désormais documentés dans une étude publiée dans Nature Medicine.
Au total, 70 infections humaines ont été confirmées entre mars 2024 et mai 2025. Cette situation représente un tournant dans l’histoire du virus H5N1, qui s’éloigne de son hôte traditionnel pour sévir chez les bovins, ouvrant un nouveau front dans la lutte contre les zoonoses.
Qui sont les personnes infectées ?
L’étude révèle que la majorité des patients infectés avaient été en contact avec des animaux contaminés dans un contexte professionnel. Dans près de six cas sur dix, les personnes avaient manipulé des vaches laitières malades. Environ un tiers des cas étaient liés à des élevages de volailles industriels. Quelques cas sont dus à des animaux de basses-cours et, dans une poignée d’épisodes, l’exposition reste inexpliquée.
Ce profil épidémiologique renforce l’hypothèse d’une transmission directe de l’animal à l’humain, sans passage par un hôte intermédiaire, dans des contextes professionnels à haut risque. Le clade identifié dans tous les cas est le 2.3.4.4b, déjà prédominant dans les grandes épizooties aviaires de ces dernières années.
Des symptômes surtout bénins… mais un décès
Sur le plan clinique, l’infection s’est majoritairement manifestée sous la forme d’une conjonctivite. Près de 90 % des patients présentaient une inflammation oculaire, souvent unilatérale, associée à une sensation de brûlure, de larmoiement et à une rougeur persistante. La fièvre et les troubles respiratoires étaient aussi fréquents, bien que moins systématiques.
La plupart des cas ont évolué favorablement, sans nécessité d’hospitalisation. Toutefois, quatre patients ont dû être admis pour une prise en charge respiratoire, dont trois pour une pneumonie virale. Un décès a été rapporté chez une personne immunodéprimée.
Ces données confirment que, si le virus H5N1 reste potentiellement dangereux, son expression clinique dans ce contexte précis s’apparente à des formes bénignes dans la majorité des cas, en contraste avec les formes sévères observées lors d’épidémies précédentes chez l’humain.
Aucune transmission interhumaine détectée
L’un des éléments les plus rassurants de cette étude est l’absence de transmission interhumaine. À ce jour, aucun cas secondaire n’a été détecté parmi les proches ou les collègues des patients infectés. Toutes les infections semblent résulter d’un contact direct ou indirect avec un animal malade ou son environnement immédiat.
Néanmoins, certains cas pour lesquels aucune source claire d’exposition animale n’a pu être déterminée soulèvent des interrogations. Une contamination environnementale, via des aérosols ou des surfaces souillées, ne peut être exclue. L’absence de transmission soutenue entre humains reste néanmoins un facteur majeur de limitation du risque pandémique.
Pourquoi les vaches laitières changent la donne
Historiquement, les mammifères touchés par le virus H5N1 étaient des charognards ou des espèces prédatrices, comme les chats, les renards ou les lions de mer, après l’ingestion de proies infectées. Le cas des vaches laitières est fondamentalement différent. Herbivores, non carnivores, elles ne présentent pas de comportement à risque habituel pour la grippe aviaire. Leur infection massive suggère une exposition par inhalation, par contact direct avec des déjections ou des fluides contaminés, voire par une contamination de l’environnement en élevage. Ce phénomène transforme les fermes laitières en foyers viraux potentiels, jusque-là largement sous-estimés. L’enjeu n’est plus seulement aviaire, il devient agricole au sens large, et impose une révision des protocoles de biosécurité.
Des recommandations claires pour les professionnels
L’étude appelle à un renforcement immédiat des mesures de prévention pour les travailleurs agricoles. Le port de lunettes, de masques et de gants lors de la traite, du nettoyage des étables ou de la manipulation d’animaux malades devient indispensable. L’hygiène des mains, la gestion des vêtements de travail et la décontamination des surfaces doivent être systématisées.
La surveillance active doit désormais également intégrer les bovins dans les systèmes de détection précoce, aux côtés des volailles. Une approche “One Health” apparaît comme la seule voie efficace pour anticiper les mutations potentielles du virus grippal.